- Tu fais l'interview d'Isabelle Huppert ?
- Non je veux une femme de chambre du Carlton !
Ce n'est pas ce que vous pensez... mais juste le titre d'une chronique sur le festival de Cannes de 1981 par Guy Hocquenghem, journaliste à Libération.
Celui-ci est en conflit avec son directeur Serge July, lui reprochant d'avoir renoncé au nouveau journalisme que Libération incarnait. Désormais le journal veut être lu par les autres journaux, par les institutions, par le pouvoir en la personne de François Mitterrand, nouveau Président de la République.
Hocquenghem s'attarde particulièrement, et violemment, sur le physique de July (son embonpoint, ses costumes ! ses cigares), c'est que celui-ci s'est construit une image sur le modèle du patron de presse de Citizen Kane.
Il décide d'être un perturbateur en critiquant la ligne éditoriale et appelle à ne pas respecter la tranquillité de ses lecteurs.
Il n'assiste à aucune projection du festival trouvant que Cannes n'est plus qu'une confrontation de films d'auteur dignes d'une cinémathèque gauchiste, et d'émissions de télé sur grand écran.
La bande son des conversations des festivaliers reflète déjà la déception devant le futur résultat.
En l'absence des Américains, Cannes se dégonfle, Cannes à mal au coeur. La gauche remplace la droite et surtout la réalité a remplacé la fiction.
Le soir où Francisco Rosi présente son film Trois frères sur le terrorisme à l'italienne, on tire sur le pape. Le cinéma se sent floué, volé, il va moins vite que le réel.
À la réception du Carlton le directeur lui fonce dessus :
- C'est vous qui voulez une femme de chambre ?
- Oui, je voudrais un autre point de vue sur le festival.
- Impossible, nous avons interdit à notre personnel de répondre aux journalistes. Vous comprenez la presse à scandale...
- Oh Monsieur ! toute presse est à scandale.
La femme de chambre est nettement plus difficile à trouver que n'importe quelle supposée vedette.
Gauche ou pas, on se tait au Carlton.
J'ai un copain de Paris-Match qui habite une chambre de bonne au dernier étage de l'hôtel. Peut-être pourra-t-il intriguer... Je finirai par interviewer n'importe qui, mettons le PDG de la Gaumont. Il paraît que les querelles de pouvoir entre les gauches pour le contrôle du cinéma ont déjà commencé. Ce sera toujours plus facile que d'avoir une femme de chambre.
Guy Hocquenghem @ Libération - 18 mai 1981
* La palme d'or sera obtenue par Andrzej Wajda pour le film L'homme de fer.
- Non je veux une femme de chambre du Carlton !
Ce n'est pas ce que vous pensez... mais juste le titre d'une chronique sur le festival de Cannes de 1981 par Guy Hocquenghem, journaliste à Libération.
Celui-ci est en conflit avec son directeur Serge July, lui reprochant d'avoir renoncé au nouveau journalisme que Libération incarnait. Désormais le journal veut être lu par les autres journaux, par les institutions, par le pouvoir en la personne de François Mitterrand, nouveau Président de la République.
Hocquenghem s'attarde particulièrement, et violemment, sur le physique de July (son embonpoint, ses costumes ! ses cigares), c'est que celui-ci s'est construit une image sur le modèle du patron de presse de Citizen Kane.
Il décide d'être un perturbateur en critiquant la ligne éditoriale et appelle à ne pas respecter la tranquillité de ses lecteurs.
Il n'assiste à aucune projection du festival trouvant que Cannes n'est plus qu'une confrontation de films d'auteur dignes d'une cinémathèque gauchiste, et d'émissions de télé sur grand écran.
La bande son des conversations des festivaliers reflète déjà la déception devant le futur résultat.
En l'absence des Américains, Cannes se dégonfle, Cannes à mal au coeur. La gauche remplace la droite et surtout la réalité a remplacé la fiction.
Le soir où Francisco Rosi présente son film Trois frères sur le terrorisme à l'italienne, on tire sur le pape. Le cinéma se sent floué, volé, il va moins vite que le réel.
À la réception du Carlton le directeur lui fonce dessus :
- C'est vous qui voulez une femme de chambre ?
- Oui, je voudrais un autre point de vue sur le festival.
- Impossible, nous avons interdit à notre personnel de répondre aux journalistes. Vous comprenez la presse à scandale...
- Oh Monsieur ! toute presse est à scandale.
La femme de chambre est nettement plus difficile à trouver que n'importe quelle supposée vedette.
Gauche ou pas, on se tait au Carlton.
J'ai un copain de Paris-Match qui habite une chambre de bonne au dernier étage de l'hôtel. Peut-être pourra-t-il intriguer... Je finirai par interviewer n'importe qui, mettons le PDG de la Gaumont. Il paraît que les querelles de pouvoir entre les gauches pour le contrôle du cinéma ont déjà commencé. Ce sera toujours plus facile que d'avoir une femme de chambre.
Guy Hocquenghem @ Libération - 18 mai 1981
* La palme d'or sera obtenue par Andrzej Wajda pour le film L'homme de fer.